GenIA et perte de productivité
LA GenIA fait baisser la productivité et génère encore plus d’épuisement professionnel !
■■ GenIA et perte de productivité
Nous pensions que le pire était le quiet quitting (ou démission silencieuse), cette pratique visant à ne faire que le strict minimum au travail.
C’était mignon. C’était artisanal. Mais l’ère de l’Intelligence Artificielle Générative (GenIA) est arrivée, et elle nous apporte son lot de joyeusetés encore plus épuisantes. Préparez vos machines à café, car nous allons parler de deux phénomènes qui menacent de transformer le travail en zones de guerre cognitive : le « workslop » et la « prompt fatigue ».
■■ Le Workslop : le brouillon en robe de soirée
Imaginez, vous recevez un rapport généré par IA, sur la « maximisation des objectifs pédagogiques ». Il est beau. La mise en page est soignée. Le style est fluide. Vous vous dites : « Enfin une note de service utile ! » Sauf qu’en fait : non.
Le workslop, ou « brouillon IA » en bon français, c’est précisément cela : un travail généré par IA qui semble parfait en surface, mais qui s’avère vide de substance, car incomplet, inutile ou hors contexte. C’est le PowerPoint sur les enjeux de la laïcité qui ne contient que des banalités, ou le courriel au style impeccable, mais au sens confus.
Et là, c’est le drame. Au lieu de nous faire avancer, cette belle coquille vide nous fait perdre notre temps, nous obligeant à tout reprendre pour vérifier les informations. Une récente enquête menée par BetterUp Labs et l’université de Stanford a révélé que 40 % des salariés américains ont déjà reçu de tels « brouillons IA ».
Mais le plus drôle, ce sont les chiffres (et nous savons que le Ministère adore les chiffres) : à chaque fois que quelqu’un reçoit cette tambouille numérique, il doit y consacrer 1 heure et 56 minutes en moyenne pour tenter de comprendre ou de corriger le contenu. Selon les auteurs de l’étude, ce temps perdu représente 186 dollars par mois et par employé en productivité envolée.
Si La GenIA était censée « faire exploser la productivité », une autre étude du MIT indique que, pour l’instant, 95 % des organisations ne constatent aucun retour sur investissement mesurable dans cette technologie. C’est ce qu’on appelle le paradoxe du progrès. Ne vous inquiétez pas, la production de rapports insipides ne va faire qu’augmenter et faire exploser les budgets encore plus !
■■ La Prompt Fatigue
LA GenIA nous épuise plus qu’elle ne nous aide. Pendant que nous nageons dans les workslops de nos collègues, nous devons aussi nous battre avec La GenIA pour produire nos propres documents. Et c’est là qu’intervient la « prompt fatigue » – l’épuisement lié aux requêtes. Nous confirmons qu’il y a eu 43 demandes pour produire cet article, c’est épuisant.
Nous pensions que La GenIA nous simplifierait la vie. En réalité, elle nous donne des maux de tête. Nous devons sans cesse formuler, ajuster et réajuster nos requêtes pour obtenir un résultat à peu près pertinent. Selon Ramprakash Ramamoorthy, trois sources principales causent cette fatigue : le choix du bon modèle, la formulation initiale, et les itérations successives.
Le pire ? Ces systèmes ne disent jamais « je ne sais pas ». Ils sont d’une arrogance folle ! Ils vous confortent dans votre requête même lorsqu’ils se trompent, ce qui peut paradoxalement rendre certaines tâches plus rapides à effectuer manuellement qu’en passant par plusieurs modèles d’IA.
L’analyste Leslie Joseph décrit ce changement : notre travail intellectuel est passé du « recherche et assemblage » (avec Google) au « questionner et affiner » (avec La GenIA). À force de reformuler nos invites et de tester différents angles, on finit par casser notre flux de concentration, au détriment de la réflexion profonde.
Attention, danger ! Aaron McEwan alerte sur le risque cognitif : « À force de chercher la réponse toute faite, on court-circuite le processus de pensée critique qui forge l’expertise et la sagesse ». Nous risquons de perdre l’habitude de rédiger une réponse nous-mêmes, comme nous avons perdu l’habitude de mémoriser les numéros de téléphone.
De plus, ces outils affaiblissent les « liens faibles » au sein de nos équipes. On se tourne vers le robot pour son accessibilité et sa réactivité, au détriment des échanges humains avec nos collègues. Adieu le capital social et l’information informelle véhiculée à la machine à café. À terme, c’est la collaboration et la capacité d’innovation qui risquent de s’atrophier.
■■ Que faire face à cette « Illusion de Progrès » ?
Les outils d’IA nous donnent souvent l’illusion que le travail avance vite, mais les erreurs accumulées nous obligent à revenir en arrière. C’est la spirale infernale : « On avance d’un pas, on recule de deux ».
■■ Si on extrapolait ça à l’éducation nationale
Avec le manque d’attractivité de nos métiers et une baisse du niveau de recrutement, l’utilisation de La GenIA peut apparaître à certains collègues comme leur bouée de sauvetage.
On lui confie la séquence de français, le QCM de maths, la fiche de lecture. Elle rend un travail propre, bien formaté… mais souvent inadapté aux élèves réels, à leur niveau, à leur contexte culturel, à l’enseignement prioritaire ou à leurs besoins spécifiques
Perte de sens pédagogique
La GenIA peut produire une leçon « générique » qui ignore les adaptations différenciées, les projets d’établissement, ou la réalité concrète d’une classe.
Risque d’appauvrissement professionnel
La formation professionnelle est d’abord une pratique de pensée. Si on se contente d’ajuster prompts et sorties, on détruit le métier détaché de sa réflexion critique.
Danger de l’évaluation automatisée
Laisser un modèle trancher des compétences complexes, ou corriger des compétences dites « socio-émotionnelles », c’est remplacer un regard humain professionnel par un algorithme opaque.
Protection des données
Préparer des supports avec des outils externes, c’est parfois envoyer des données d’élèves (ou des extraits) vers des systèmes dont on ne maîtrise ni la sécurité ni l’usage futur.
LA GenIA promet des cours clefs en main, elle risque d’installer des cours tout faits, inadaptés et déshumanisés.
■■ L’absurdité pédagogique 3.5
Quand la GenIA parle à la GenIA scène vécue (ou presque).
Monsieur CLAUDE, professeur de français, nouvellement recruté en speed dating, sans expérience et débordé, demande à son IA préférée de lui rédiger un devoir. Quelques secondes plus tard, la machine pond une consigne impeccable.
Enchanté, M. CLAUDE envoie le devoir via l’ENT. Les élèves particulièrement studieux et travailleurs n’ont pas traîné. Dès le lendemain, il reçoit 35 copies parfaites, style fluide, syntaxe irréprochable, vocabulaire soutenu, mais étrangement identique. Tous ses élèves, manifestement inspirés par la muse numérique, ont eu la même idée géniale de demander à ChatGPT ou autre GenIA de faire le devoir à leur place.
M. CLAUDE, n’ayant pas de temps à perdre avec les corrections, confie la tâche à sa fameuse IA préférée sans même se rendre compte que, dans un des devoirs rendus, l’un des héros s’appelle “John Doe, version 3.5”.
C’est beau, le progrès. LA GenIA a produit le sujet. D’autres IA ont rédigé les copies. M. CLAUDE finit par demander également à la GenIA de corriger et écrire les appréciations.
Insidieusement, la liberté pédagogique et la pensée critique deviennent un luxe.
Alors, oui, peut-être qu’un jour les IA feront tout. Mais, tant qu’elles ne savent pas s’adapter, consoler un élève, apaiser un conflit ou allumer une étincelle de curiosité, on restera indispensables.
Finalement, la fatigue des invites n’est souvent qu’un symptôme d’un problème plus large : le temps excessif passé devant l’écran (comme la « Zoom fatigue »). La meilleure solution n’est pas toujours un autre outil, mais « parfois simplement de sortir prendre l’air ». Respirez !
Sources :
Quand l’usage intensif de la GenAI épuise les salariés
Redonnons du sens au collectif et à l’humain.
Face à l’isolement social que peut engendrer La GenIA, favorisons la connexion humaine.
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