CRPE : Une réforme de plus pour pas grand-chose…
La ministre Élisabeth Borne vient d’entériner une énième réforme de la formation
initiale des Professeurs des Écoles, qui entrera en vigueur pour les candidats au CRPE de 2026.
Cette réforme, censée répondre à la crise de recrutement, suscite chez plusieurs syndicats de nombreuses réserves. Pour Action & Démocratie, si elle va dans le bon sens, elle ne suffira pas cependant à traiter les vraies causes de la crise du recrutement.
Formation initiale des PE : les principaux changements
- Un concours passé à BAC+3 et non plus en fin de master.
- Un CRPE en deux temps :
1) Admissibilité : deux épreuves écrites portant d’une part sur les disciplines fondamentales (français et mathématiques), d’autres part sur les autres domaines d’enseignement (HG, sciences, technologie, langue vivante, arts, EMC).
2) Admission en deux épreuves orales : français/mathématiques et entretien de motivation.
- Création d’une Licence Professorat des Ecoles (LPE) visant à préparer les étudiants au métier. Les étudiants qui auront obtenu cette licence seront dispensés des épreuves d’admissibilité du CRPE.
- Deux ans de formation au sein d’un INSPE avec un renforcement du temps dédié à la maîtrise des disciplines et à la didactique. Les deux ans de formation seront rémunérés (environ 1400 € nets mensuels la première année comme élève fonctionnaire, puis environs 1800 € nets comme fonctionnaire stagiaire).
Les objectifs affichés par le gouvernement sont certes louables et nous en partageons les grandes lignes. Il s’agit, selon la ministre, de rendre le métier plus attractif en proposant une rémunération dès l’entrée dans la formation professionnelle, d’élargir le vivier de candidats en abaissant le niveau d’entrée au concours (bac+3) pour limiter les abandons en master et de mieux former les futurs enseignants, en renforçant la maîtrise disciplinaire et la pédagogie pratique.
Une réforme plutôt utile mais loin d’être suffisante
Action & Démocratie reconnaît certaines avancées, notamment s’agissant du renforcement de l’horaire consacré à la maîtrise des disciplines qui doit rester le premier critère pour acquérir le titre de professeur. Or avec le maintien de 800 heures en INSPE, la formation initiale risque encore d’être marquée par des approches pédagogiques inefficaces et idéologiques, peu adaptées aux réalités du terrain. Le seul lieu de formation pratique pertinent est la classe, ce pourquoi Action & Démocratie a toujours plaidé pour la suppression des formations hors-sol au profit d’un accompagnement des débutants par des enseignants expérimentés et bienveillants qui y consacreraient une partie de leur service plutôt que la confier à des formateurs de papier déconnectés du terrain.
Enfin, si l’octroi du statut d’élève fonctionnaire aux lauréats du concours est une bonne chose, ainsi que le niveau de la rémunération (qui était inférieur de moitié dans la première version de la réforme), il ne faudrait pas que le recrutement à Bac+3 conduise, à terme, à un nouveau déclassement statutaire et salarial : combien de temps faudra-t-il en effet au gouvernement pour décider qu’un personnel recruté à BAC+3 doit être moins rémunéré qu’à BAC+5 ?
Surtout, la véritable crise n’est pas une crise de formation mais bien une crise de vocation liée notamment à :
- L’absence de perspective de carrière et l’absence de mobilité géographique,
- L’augmentation des violences scolaires et des incivilités,
- L’absence de protection fonctionnelle effective des personnels par leur hiérarchie,
- L’alourdissement des charges administratives,
- L’hétérogénéité extrême des classes sans moyens adaptés pour différencier,
- L’école inclusive imposée sans accompagnement réel.
Le verdict d'Action & Démocratie
Cette réforme, mieux pensée que les précédentes, ne règlera pas le fond du problème.
Sans revalorisation salariale sérieuse, amélioration des conditions de travail et refondation de la politique éducative, le métier de professeur des écoles continuera à se dévaloriser, et la crise des recrutements persistera.
Action & Démocratie appelle donc à des mesures beaucoup plus ambitieuses pour restaurer l’attractivité du métier et sauver l’École de la République.
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